Aujourd’hui, cela fait trois mois et près de 10 000 kilomètres que nous sillonnons l’Amérique du Nord. Nous venons de nous arrêter une semaine au même endroit à Moab dans l’Utah. Cela ne nous était pas arrivé depuis notre première semaine dans le camion. Même si c’est super d’être no-mads ; cette pause a fait du bien à tout le monde.
Les filles ne demandent pas le matin au petit déjeuner : « On dort où ce soir ? ». Nous, de notre côté, nous n’avons pas à chercher un endroit pour la nuit qui convienne à tout le monde. Soriane veut qu’il y ait un peu d’herbe mais pas d’araignée, Elmina aime bien la civilisation, Seb préfère les endroits gratuits, isolés, en pleine nature et moi, je suis un peu comme Elmina, j’aime bien lorsque nous ne sommes pas seuls au monde pour la nuit. Seb et moi ne partageons pas le même postulat : Seb pense que où il n’y a personne, nous ne croiserons pas de fou et je pense que si nous sommes avec du monde s’il y a un fou, il y aura beaucoup de moins fous autour pour faire front ! Le terme « fou » n’est pas celui qui pourrait paraître le plus approprié mais il faudrait « être fou » pour vouloir réveiller de bons dormeurs comme nous.
Malgré ces divergences de points de vue, nous avons toujours trouvé un endroit plutôt sympa, nous n’avons jamais erré avec le camion la nuit sans savoir où aller et nous n’avons jamais été réveillés si ce n’est par le bruit de la pluie ou par les filles.
Et comment nous sommes devenus célèbres au Kansas…
Aux dernières nouvelles, nous étions dans l’Illinois. Un petit rappel de la géographie américaine me semble nécessaire pour vous aider à mieux visualiser notre trajet ; le but actuel restant de rejoindre la Côte Ouest. Après l’Illinois, nous avons traversé le Missouri, le Kansas, le Colorado pour arriver en Utah.
Nous n’avons fait qu’une escale nocturne dans le Missouri mais accueillante. Nous ne pouvons donc pas dire que nous avons visité cet Etat. Nous arrivons dans les grandes plaines américaines. La route est droite et longue ; le paysage est plat. Nous apercevons quelques grandes fermes isolées. Nous croisons des élevages immenses de vaches. Dans certains, les vaches profitent des grandes plaines ; dans d’autres, elles sont dans un enclos, se marchant les unes sur les autres. Une odeur horrible traversant les fenêtres et parois du camping-car nous avertit à l’approche de ce type d’exploitations.
Nous entrons au Kansas ; c’est de plus en plus plat. Il n’y a pas d’obstacle visuel : des champs, des céréales et quelques derricks… Nous arrivons à Lyons. C’est une petite ville qui propose un terrain gratuit pour cinq jours pour les visiteurs de passage avec eau, électricité et aire de jeux. Nous nous installons pour deux jours. Il faut veiller à l’instruction de nos enfants. L’employé des espaces verts vient à notre rencontre interpelé par notre plaque québécoise. Un vieux réflexe professionnel me fait penser qu’il ne doit pas être en contrat emploi d’avenir. [Ah, oups ! Votre nouveau président y a mis fin comme à d’autres contrats aidés. Tant pis pour l’animation dans les écoles, les maisons de retraite, les associations ; tant pis pour les enfants en situation de handicap qui ont perdu leur AVS ; tant pis pour tous ces jeunes qui n’ont pas la chance d’avoir le bon capital culturel, social et économique et à qui cela permettait de trouver un premier job plus facilement…]
Revenons en Amérique et au passage, remarquons que quand même à plusieurs reprises nous avons été choqués par l’âge de certaines personnes encore en emploi. J’explique à l’agent de Lyons qu’en fait, nous sommes français. Quelques heures plus tard, alors que nous sommes en pleine leçon sur le groupe nominal et en apprentissage de la lettre S, voilà que revient le chaleureux papy des espaces verts pour nous poser une question : « C’est la première fois que nous voyons des français à Lyons. Est-ce que je peux faire venir les journalistes ? » Elmina est moyennement emballée par l’idée. Soriane se fait une petite beauté, met ses bijoux et son petit sac à main. Le journaliste du « Lyons News » vient nous interviewer, nous interroge sur notre voyage, notre parcours et sur les différences que nous percevons entre la France et les Etats-Unis. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés en couverture d’un petit journal du Kansas. Nous ne pouvons pas malheureusement vous partager l’article car nous n’avons pas été assez prompts à télécharger le journal lorsqu’il était en ligne. Nous attendons leur mail.
Allez, on est prêt à repartir du Kansas avec posé sur notre pare-brise comme petit cadeau un guide routier complet des Etats-Unis. On a adoré les gens rencontrés dans le centre des Etats-Unis pour leur accueil, leur générosité, leur simplicité mais en même temps, on a détesté tous ces panneaux ainsi-IVG, pro-armes et et autres que l’on pouvait voir sur le bord de la route et pas qu’épisodiquement… S’ils sont là, c’est qu’ils doivent probablement faire écho à certains…
Utah et Colorado : paysages de carte postale
Nous roulons sans qu’il n’y ait rien autour, nous avons les yeux fixés sur la jauge d’essence. Nous aimerions bien voir apparaître une station service… Ouf, on échappe à la panne d’essence et on entre au Colorado.
Dès la première ville, le décor change. Les devantures des échoppes donnent l’impression d’être en plein western. Nous nous arrêtons à Lamar pour une nuit. Nous décidons d’aller voir un rodéo mais finissons à un match de football américain. Tout y est : les pom-pom girls, les hot-dogs, le pop-corn salé, la fanfare du lycée dans les tribunes, la patrouille d’avions qui passe au dessus du stade… Comme nous l’a dit le papa du coach : « C’est ça l’Amérique ! Sur les côtes, ils sont fous. »
Allez, nous repartons ! Nous faisons une petite pause historique à Bent’s Old Fort (lieu témoignant de la vie dans l’ouest américain vers 1840, époque des trappeurs) pour rester dans l’esprit western. Il y a vraiment des gens habillés comme des cowboys dans leur quotidien. Nous reprenons la route, celle des araignées (pour ceux qui ont lu le dernier post d’Elmina). La route est superbe, sur les côtés des plaines arides, droit devant des montagnes enneigées et au milieu de la route, ces tarentules immenses qui traversent (nous avons du en voir une centaine) et cela pendant plus de 100 kilomètres. Le temps se rafraîchit, on commence à monter en altitude.
Nous arrivons à Great Sand Dunes Park ; encore un décor unique… Quand « les américains » (ok, je généralise mais c’est pour le récit) nous disent qu’il y a tout ici et qu’ils n’ont pas besoin d’aller voir ailleurs, on se dit que c’est vrai qu’ils ont des paysages magiques. Great Sand Dunes, c’est un parc national avec d’un côté un plateau qui s’étend à perte de vue avec une végétation désertique, de l’autre des sommets recouverts d’un manteau blanc et au milieu ces immenses dunes de sable. Nous faisons une ascension d’1h30. Le vent étant au rendez-vous, nous goûtons le sable allègrement.
Nouveau départ, le camion a du mal en altitude ; il perd de la puissance. Ce problème était déjà apparu la veille mais Seb pensant que cela allait m’inquiéter, ne m’en avait pas fait part. Quelle idée ! Le vent souffle, souffle. Nous nous arrêtons deux nuits dans une station de ski désertique en octobre : South Fork. Avant d’affronter le col qui nous attend, nous passons chez le garagiste du coin (avec des armes exposées à l’accueil et son permis de chasse affiché) car nous avons toujours notre sonde à oxygène débranchée. Un peu revêche mais efficace, il prend les commandes du RV avec toute la petite famille dedans et pousse l’engin pour voir ce qu’il a sous le capot. Pas de problème, nous dit-il. C’est juste l’altitude qui lui fait perdre un peu de puissance. Nous nous attaquons au col. Arrivés en haut (3 500 mètres), il y a de la neige, nous stoppons pour la photo. Oh, le camion ne veut plus redémarrer ! Soulagement général, ce n’était que passager (chose à noter pour le futur, notre RV n’est pas friand de la montagne). Rassurés, nous pouvons reprendre notre contemplation de ces vues automnales.
Nous choisissons comme point de chute pour la nuit un camping gratuit/enclos à vaches en liberté. Les bovines sont en admiration devant Seb qui jongle. Les filles regardent depuis les fenêtres du camping-car les bovines regardant leur père jongler. Et, pendant ce temps, je prends note dans ma tête de ces moments pour vous les raconter aujourd’hui.
Nous rejoignons le parc national de Mesa Verde au Sud du Colorado où nous pouvons visiter des habitats troglodytes de 1200 avant JC du peuple Pueblo. Cette visite ne se fera pas sans émotion étant donné qu’il faut monter sur une échelle de cinq mètres à flanc de paroi sur le canyon (merci, la personne de l’accueil à qui nous avions demandé si c’était facile comme excursion avec un enfant de trois ans) !
Nous sommes revenus dans les zones touristiques. Il y a des caravanes et des camping-cars partout. On comprend facilement pourquoi tous ces gens viennent à Moab Utah. La ville est entourée de canyons. Nous avons pu les voir du haut à Canyonland, faire une randonnée de quatre heures à l’intérieur d’un canyon, admirer les arches (phénomène géologique extraordinaire) à Arches Park et essayer de repérer les traces de dinosaures… On alterne entre balades dans des décors westernesques et pauses tranquilles au campground ; on alterne entre nos shorts et nos bonnets (température de 1 à 26°C), on alterne entre les patates et les chamallows au coin du feu … En bref, ça fait une semaine, euh pardon trois mois, qu’on en prend plein les yeux !!!